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Episode 9: Quelle école aujourd'hui ?

Recontextualisation – Que vise-t-on exactement ?

Recontextualisation

Depuis l’antiquité (500 av J-C) des éducateurs et pédagogues ont affirmé qu’il n’est pas adéquat de « transmettre » le savoir et qu’il faut le faire émerger de l’apprenant lui-même, que l’apprentissage par « cœur » n’est que peu efficace en terme d’appropriation, (même si l’exercice de la mémoire peut être utile voire indispensable par ailleurs).

Socrate, Rabelais, Montaigne, Rousseau, Dewey, Ferrière et la Ligue Internationale d’Education Nouvelle (Freinet, Montessori, Decroly…) Oury, Piaget, puis Lippman sont quelques « balises » historiques qui marquent les différentes étapes de cette pédagogie « nouvelle » qui a donc à peine 25 siècles d’âge.

Depuis les années 70, des milliers d’expériences éducatives diverses ont fonctionné sur les bases de ces « convictions ». A ce jour, plus de 700 écoles alternatives proposent de tels environnements en France, des milliers à travers le monde. Certains pays comme la Finlande (si bien placée dans le classement Pisa) ont basé toute leur démarche sur ces pratiques.

Pour ma part je sais que je ne pouvais pas en tant qu’enfant, apprendre ni vivre à l’aise dans un environnement où je ne me sentais pas respecté, apprécié, encouragé, motivé … et que j’avais besoin que le regard que l’on portait sur moi soit positif, confiant (effet pygmalion). Je sais que c’est à cause de cela que j’ai claqué la porte de mon collège à l’âge de 13 ans pour ne jamais remettre les pieds dans une école en tant qu’élève.

A travers les opportunités professionnelles qui m’ont été offertes dans le cadre de l’organisation de la formation continue des enseignants (Centre d’Echanges Pédagogique) puis de la responsabilité de l’Institut de Formation Pédagogique (IFP) j’ai alors pleinement mesuré le fait que «les bonnes pratiques éducatives et pédagogiques» n’étaient pas l’apanage exclusif d’une méthode particulière, elles ne sont l’apanage d’aucune méthode, d’aucun mouvement, d’aucun lieu particulier. Elles ne peuvent qu’emprunter aux uns et aux autres tout ce qu’il y a de bon, d’efficace, de pertinent. Elles doivent évoluer en permanence s’enrichir, s’adapter au temps présent et aux élèves qui sont là aujourd’hui.

J’ai pu aussi mesurer combien dans leur grande majorité, les enseignantes, les enseignants, les éducatrices et éducateurs ainsi que les directions d’établissement, sont fortement investi(e)s de leur mission et essaient, plus ou moins adroitement, de l’assumer avec courage et sincérité. L’image du professionnel de l’éducation qui ne fait ce métier que pour la sécurité de l’emploi et la quantité de vacances assurées à très vite été dépassée ou tout au moins reléguée dans mon esprit, au cas d’exception.

Dans ce parcours, il y a eu évidemment aussi la rencontre avec la théorie des intelligences multiples (Howard Gardner) qui, bien que probablement discutable sur le plan purement « scientifique » et donnant souvent lieu à des applications que son propre créateur met en question, rappelle à tout enseignant qu’il a autant de formes d’intelligences et donc de stratégies d’apprentissage en face de lui qu’il a d’élèves dans sa classe …plus une, la sienne… et que ce n’est qu’ à travers sa propre intelligence qu’il/elle construit sa façon de travailler avec ses élèves.

Si ce n’est une mission impossible, c’est une mission difficile et délicate qui nécessite pour l’enseignant d’accepter de prendre de la distance par rapport à ses conceptions personnelles, ses modèles, voire dans certains cas ses convictions les plus profondes. Une mission qui l’invite donc à multiplier les entrées, les supports, les stratégies, une mission qui nécessite d’être en permanence à l’écoute de ses élèves, de ses collègues, des chercheurs et de leurs expériences innovantes, de l’évolution des technologies et de la science (aujourd’hui également des progrès dans le domaine des neuro-sciences).

L’Ecole Aujourd’hui est une vision d’une école qui profite de l’ensemble de ces expériences que j’ai eu la chance de vivre ou de suivre. Elle se base également sur l’expérience de plusieurs institutions dans lesquelles j’ai eu l’occasion d’apporter ma contribution (Ecole Active de 1972 à 1999 - Ecole la Découverte 1992 à ce jour - Centre d’Echanges Pédagogiques - Institut de Formation Pédagogique - Ecole Mosaic 2004 -2005 année d’ouverture - Institut Florimont, Accompagnement de projets de 2003 à ce jour).

Le nombre d’institutions avec lesquelles j’ai eu l’occasion de travailler, le nombre d’élèves concernés et le recul qu’il est possible d’avoir sur ces 40 années de pratique viennent confirmer la pertinence et l’efficience de ce que de nombreux pédagogues nomment, la pédagogie active, les pratiques innovantes, l’école nouvelle. Nouvelle depuis au moins un siècle, voire 25 siècles si on pense qu’elle puise ses sources chez les éducateurs, les philosophes de l’Antiquité.

Quant à l’école dite traditionnelle, celle qui a été mise en place pour accompagner l’industrialisation au 19ème siècle et qui a continué au 20ème siècle à fonctionner selon ce modèle, est-il besoin de rappeler qu’elle a montré ses limites voire plus globalement son échec ?
Et si cette « Ecole Aujourd’hui », comme celle qui a accompagné la grande industrialisation était dictée maintenant par les nouveaux modèles d’organisation de la société ?

Une classe « tendance » aujourd’hui fonctionne en petits groupes, en pods en ateliers, utilise l’informatique, les tablettes, les tableaux interactifs… Si en se conformant aux nouvelles tendances de travail collaboratif en présentiel et à distance, si en fonctionnant comme les fablab, si en encourageant la créativité, le partage, le copiage, parce qu’avec les moyens de communication actuels la société change ses normes … elle était elle aussi, au service de la société d’aujourd’hui, de l’économie d’aujourd’hui ?

Est-ce que les écoles démocratiques, qu’on nomme aussi dynamiques ou modèle Sudbury (https://sudburyvalley.org/) ne seraient pas alors les mieux adaptées aux aspirations sociétales des nouvelles générations en réponse en particulier aux problèmes graves qu’a généré « le système » (écologiques, économiques et sociaux) ?

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Que doit faire alors l’enseignant, l’éducateur qui souhaite surtout donner tous les outils utiles à ses élèves pour leur assurer la vie la plus heureuse possible, qui souhaite développer avec eux l’esprit critique indispensable à ne pas devenir les esclaves d’un système quel qu’il soit ?
Il lui faudra alors non seulement mettre en œuvre « l’Ecole Aujourd’hui » mais encore et surtout s’assurer qu’elle reste en permanence « celle de chaque nouvel aujourd’hui ». Vivante, pensante, réactive et évolutive.

Au service du bonheur de l’élève, chaque jour, et tout au long de sa vie.