Difficultés scolaires Quand son enfant décroche : redonner du sens et de la motivation.
J’ai rencontré Monia Ladhari Popoviciu au Grütli, dans un lieu iconique de la culture à Genève. C’était l’endroit idéal pour découvrir sa singularité : Monia est enseignante en lycée général et professionnel - Maturité 1ère et 2ème année - mais est également Mentor Pédagogique.
J’ai donc cherché à comprendre les aspects innovants de ses méthodes pédagogiques, ce qui la motive et ce qu’elle a déjà expérimenté, dans différents contextes, et quels résultats elle a pu obtenir.
J’ai aussi voulu comprendre ce qui rend ses méthodes uniques et les types de difficultés d’apprentissage qui se prêtent le mieux à son approche.
Dans cet entretien, Monia nous livre quelques-uns de ses secrets méthodologiques, ses sources d’inspiration, ce qui fait la satisfaction des parents et des élèves qu’elle accompagne.
A l’issue de notre rencontre, nous avons également ouvert quelques perspectives pour l’avenir.
YZ
Ravi de t’accueillir pour cette interview. Pour commencer, je voulais te poser une question fondamentale qui concerne le “pourquoi” : qu’est-ce qui t’a amené à te lancer en tant que Mentor Pédagogique ?
MLP
Comme beaucoup de personnes : un plan social dans ma vie professionnelle d’« avant » puis la période de confinement liée au Covid m’ont amenée à me poser les bonnes questions sur la suite que je souhaitais donner à ma carrière. Il m’a fallu une année de réflexion et notamment une activité bénévole de « Mentor à distance » dans laquelle je me suis lancée, pour avoir la révélation : toutes mes expériences aussi diverses soient elles se sont révélées être autant de richesses que j’allais mettre à profit dans une activité d’accompagnement des jeunes ou des personnes en difficulté d’apprentissage.
YZ
Peux-tu nous expliquer pourquoi des parents ou des enfants devraient te choisir toi pour se faire aider dans des cas de difficultés d’apprentissage ?
MLP
Au-delà de ma vocation pour la transmission qui a été présente tout au long de ma carrière d’ingénieure, mon accompagnement est riche des éléments suivants : une expérience de 7 années de compétitions sportives nationales et internationales, qui m’ont apporté la valeur travail, la ténacité et la connaissance en matière de préparation aux épreuves ; 20 ans d’enseignement de la danse et de spectacles, 9 ans de créations musicales au sein de différents groupes et de nombreux concerts m’ont permis de développer ma créativité et un sens certain de l’improvisation ; 15 ans d’expérience en entreprise qui me donne une très bonne connaissance du milieu professionnel ; mon activité d’enseignante en mathématiques en lycée professionnel qui m’apporte la dimension scolaire, son organisation et ses attentes. Enfin, et ce n’est pas le moindre de mes arguments, j’ai moi-même suivi la scolarité de mes 2 enfants, donc je connais bien les enjeux et les difficultés que rencontrent les parents concernant la scolarité de leurs enfants. C’est d’ailleurs ma plus grande fierté car aujourd’hui ils évoluent tous les deux dans une voie qu’ils ont choisie en études supérieures.
YZ
Quels sont plus précisément les éléments déclencheurs qui vont amener les personnes à te contacter ?
MLP
J’ai eu différents cas de figure : des adultes qui souhaitent se perfectionner dans tel domaine, des étudiants qui désirent approfondir leurs connaissances en vue d’un concours ou simplement apprendre à mieux s’organiser. Mais dans la grande majorité des cas je suis contactée par des parents ou des proches qui détectent une ou plusieurs difficultés chez leur enfant. Cela peut être spécifique à une matière, mais également à un problème inhérent à l’élève, comme un problème d’attention, de concentration, de motivation ou même de phobie scolaire. Ils vont me contacter par courriel ou par téléphone et m’expliquer quelle est la problématique. On dédie entre 45 minutes et 1h à discuter de la problématique, comment elle s’est installée, qu’est-ce qui dysfonctionne, mais aussi qu’est-ce qui fonctionne bien et que l’élève réussit sans aucune difficulté.
Il est important d’avoir à la fois l’explication des parents et aussi celle de l’enfant, pour avoir une idée globale de la situation, des besoins et des attentes des uns et des autres qui sont parfois différents.
YZ
Pourquoi à un moment cela “bloque” ? Comment t’y prends tu pour remettre en route la machine ?
MLP
C’est le plus souvent parce que l’élève se sent dépassé par la situation, par des notes qui ne suivent pas, et/ou par la déception grandissante qu’il lit chez ses parents.
Il y a différentes approches à tenter : on peut par exemple travailler sur une discipline en valorisant les petites réussites. Pas à pas l’apprenant regonfle sa confiance et sa motivation revient la plupart du temps dans la même progression.
On peut également s’appuyer sur les compétences d’un apprenant dans un domaine autre que scolaire (dans le sport par exemple) et les transposer dans la discipline qui pose problème. L’apprenant change sa posture, dans l’objectif qu’il quitte son ressenti de « nul » à celui de « compétent ».
YZ
Quelles sont les originalités dont tu disposes dans la panoplie d’outils pédagogiques ?
MP
“C’est quoi l’intérêt d’étudier telle chose ?” est une question que beaucoup de jeunes me posent.
Comme j’ai les deux visions : scolaire et professionnelle, je les aide à comprendre l’intérêt de leur apprentissage dans une vision plus large que le cadre de l’école. En précisant les contours de leur objectif professionnel, il devient plus évident de donner un sens à ce qu’ils font à l’école.
D’autre part, je fais du chant et de la danse depuis toujours. Ces deux arts m’ont notamment appris l’ancrage et la créativité. J’aide à développer la créativité de mes élèves, très utile pour se lancer, pour imaginer des scénarios d’examens et appréhender de nouvelles situations. L’ancrage, au travers différents exercices de type méditatif (chant, mandalas, body scan) permet de les aider à se stabiliser, à se calmer, et à développer la confiance en eux.
Je me sers également de divers outils pédagogiques, comme la Gestion Mentale, qui est très efficace.
YZ
La Gestion Mentale : peux-tu nous en dire plus ?
MLP
La théorie pédagogique de la Gestion Mentale s’appuie sur des décennies d’observations et d’études réalisées par Antoine de La Garanderie depuis les années 50 qui s’intéressait, bien avant l’explosion des neurosciences, aux outils cognitifs utilisés par les élèves en situation de réussite. Il existe beaucoup de livres et divers sites qui la décrivent plus en détail si vous souhaitez en savoir plus.
On différencie notamment les différents gestes mentaux, comme l’attention, la mémorisation, la compréhension, la réflexion. Il est fondamental de comprendre leur fonctionnement, car il y a souvent une confusion entre chacun d’eux. Mais elle permet également de guider l’apprenant pour qu’il apprenne par lui-même ses façons de procéder pour être efficace. Par lui-même est très important, car il ne s’agit en aucun cas de le forcer à procéder avec des méthodes qui ne lui conviennent pas, comme c’est le cas très souvent.
YZ
En classe, tu utilises différents outils, notamment les devoirs par équipes. Comment résumer ton approche de l’apprentissage par équipe ?
MLP
A mon sens il est important d’inculquer à mes élèves la notion de travail en équipe. C’est fondamental quand on est amené plus tard à travailler au sein d’une équipe qu’on n’aura pas nécessairement choisie, et qu’il faudra rester performant. C’est également un esprit d’équipe qui permet de développer un réseau de partenaires et de clients dans la vie professionnelle.
Je les amène donc à réfléchir ensemble sur des exercices donnés. Ils sont à la fois tous concernés par la compréhension de chacun au sein du groupe (ils interagissent pour s’expliquer les notions vues en classe) et pour me rendre un travail de qualité (ils interagissent pour se corriger les uns les autres). Cela leur donne l’occasion de créer du lien et de développer un esprit de cohésion.
YZ
Quelles sont tes perspectives et qu’est-ce qu’on peut te souhaiter Monia ?
MLP
J’ai à cœur de continuer à développer des méthodes innovantes d’enseignement, et j’ai pour cela différents modèles très inspirants. Mon idéal de carrière professionnelle serait de pouvoir continuer à allier l’activité d’enseignante à Genève car je souhaite revenir en Suisse, étant moi-même de nationalité suisse, tout en poursuivant mon activité de Mentor Pédagogique où je privilégie l’accompagnement individuel, les 2 activités se complétant à merveille.
Propos recueillis par Yves Zieba, Septembre 2023.