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Tricher à l’examen, un jeu d’enfants ?

Avec la percée spectaculaire de ChatGPT, et d’autres intelligences artificielles (IA) de mieux en mieux entrainées, de nouveaux questionnements apparaissent, pour déterminer si elles représentent davantage d’opportunités que de risques.

Peut-on encore éviter les risques, notamment ceux associés au plagiat dans le monde académique ?

Doit-on interdire l’usage de ces intelligences artificielles ou au contraire les encourager et s’en saisir ?

Quels sont les changements induits par l’arrivée de ces technologies émergentes pour les industries du savoir et le milieu académique ?

Est-ce que IA rime forcément avec plagiat ?

A quoi ressemblera le post académique « branché » et capable d’utiliser au mieux les IAs ?

Quels sont les impacts didactiques, pédagogiques et méthodologiques pour les enseignants ?

Chat GPT et tous les autres

Difficile de passer à coté, tout le monde en parle. Depuis l’arrivée médiatique de ChatGPT d’OpenAI et son succès fulgurant (buzz médiatique, liste d’attente…), ce début d’année 2023 révèle une prise de conscience des nouvelles perspectives et des disruptions possibles des intelligences artificielles.

ChatGPT est un chatbot conçu par la société américaine OpenAI, spécialisée dans le domaine de l’intelligence artificielle, et sa principale fonction, c’est de générer du texte pour répondre aux requêtes et aux questions qui lui sont posées.

Le chatbot peut générer des réponses textuelles dans plusieurs langues dont le français.

ChatGPT est ainsi capable de répondre à vos questions, reconnaître ses erreurs, contester des prémisses incorrectes, rejeter des demandes inappropriées.

Aussi impressionnant soit-il, ChatGPT n’est qu’une intelligence artificielle (IA), parmi de nombreuses autres, qui émergent. Peut-être n’avions nous pas pris conscience de leur arrivée si imminente.

Dès lors, qu’est-ce que cela change ?

Si les intelligences artificielles ont réponse à toutes les questions, ou presque, a-t-on encore besoin d’apprendre ou de mémoriser ?

Si leurs réponses deviennent la seule référence unique historique, qui va surveiller que l’IA « ne se trompe pas » ou n’utilise pas dans ces réponses une source peu fiable ou des éléments erronés ou manipulés ?

Comment l’enseignant.e va-t-il pouvoir savoir si les réponses écrites sont des productions de texte d’origine humaine ou artificielle et automatisée ?

Cela va-t-il permettre à d’autres compétences d’émerger ?

La disruption est déjà là et elle ne s’arrêtera probablement pas.

De grandes figures ont publiquement alerté sur les risques de l’intelligence artificielle. Serait-ce déjà trop puissant et hors de contrôle ?

Si ce n’est pas encore le cas, comment mettre en place une régulation, notamment éthique ?

Qui pourrait devenir le régulateur ou le controlleur qui s’assure que la puissance de l’intelligence artificielle soit mise au service du bien commun et soit utilisée pour construire, et ne serve pas à détruire.

Avec des lois différentes selon les pays et les langues, comment l’IA va passer les frontières (si elles existent encore dans le numérique ?)

Bien sûr, on peut tenter d’interdire l’usage des IA pour prévenir les risques, mais ils semblent peu probable qu’on ne se saisisse pas de cette opportunité incroyable d’un accès plus universel au savoir et à toutes les conséquences positives que cela engendre (niveau de l’éducation dans les différents pays, transmission et circulation des savoirs, rapidité de la dissémination et des explorations possibles). Si nous savons que cela « disrupte » de fait, tous les secteurs de l’économie du savoir, qu’en est-il plus spécifiquement de la pédagogie, de l’académique, notamment dans le post-obligatoire ?

Sommes-nous passés dans l’ère de la connaissance sans passer par la case « apprentissage » ?

Quel apprenant n’a pas rêvé de pouvoir faire ces devoirs en un clic, de dormir tranquille assuré d’avoir une excellente note, et de passer le reste de son temps à s’amuser !

Lorsque le savoir devient accessible à tou.te.s de façon ATAWADAC (anytime, anywhere, any device, any content), que pouvons nous faire de notre temps ainsi libéré ? Si en plus, tout devient simple, facile et gratuit, que nous reste-t-il à apprendre ou du moins à mémoriser ?

En sommes-nous vraiment déjà là ?

Si vous avez déjà testé ChatGPT, vous savez que cette IA a réponse à quasiment toutes les questions en toutes les langues. Bien sûr, il y a encore quelques limites, l’IA ne connait « que » ce qui s’est produit avant 2021.

Pour l’avoir expérimenté, c’est effectivement très impressionnant, et ce n’est qu’un début.

Imaginons dès lors qu’un enseignant pose une question à une classe et leur demande de fournir une réponse écrite pour la prochaine séance. On peut raisonnablement penser qu’un nombre croissant d’apprenants va avoir recours à l’IA. Comment l’enseignant.e pourra s’y prendre pour détecter les travaux réellement créés par leurs auteurs et les distinguer de ceux générés par une intelligence artificielle ?

On voit bien l’injustice que pourrait causer une évaluation positive d’une production écrite faite par une IA et celle d’une évaluation négative d’une production réellement écrite et réfléchie par un.e apprenant.e.

Si cela devient difficile pour un.e enseignant.e de faire la distinction entre l’un et l’autre, sommes nous encore en mesure d’identifier et d’évaluer des compétences ?

Le système d’identification et d’évaluation des compétences doit-il être totalement repensé ?

Que se passe t-il pour tout ce qui découle du système de notation et d’évaluation, en terme d’orientation, d’emploi, de recrutement ?

ChatGPT a très facilement réponse aux questions d’entretien d’embauche pour un descriptif de poste donné. Les questions sont standards, et le descriptif de poste, lui donne en partie les éléments de réponse. Quel intérêt de garder un entretien, si tou.te.s les candidat.e.s ont les réponses justes aux questions avec un effort minime de préparation ?

On peut donc craindre que les réponses vont être à la fois de plus en plus justes (finies les « perles » aux examens, mais aussi de plus standardisées.

Ou se trouve la limite entre la production écrite humaine et la production écrite d’une IA ?

Ce débat passionnant sur la propriété intellectuelle et le droit d’auteur a quelques éléments de réponse puisqu’une demande de brevet au nom d’une IA a déjà été déposé et refusé. C’est un peu le même type de course que pour les jeux d’échecs. Pendant combien de temps encore les examinateurs pourront détecter si la demande est d’origine humaine ou artificielle ?

Dis-moi quelle IA tu utilises et je te dirai qui tu es !

Si l’on fait l’hypothèse de la généralisation de l’IA dans le monde académique, on peut raisonnablement envisager que les tests de savoirs vont perdre de leur intérêt. Ce sera un jeu d’enfant de trouver la bonne réponse à une question posée, pour peu que la réponse correcte existe quelque part sur internet.

C’est un peu comme si on naissait avec réponse à tout ! Ou comme si on avez avalé toute la bibliothèque, la médiathèque et le datacentre en un coup de cueillière à pot !

Toutefois, pendant une phase de transition, il est probable que les logiciels de plagiat vont avoir le vent en poupe, jusqu’au jour ou les IA seront plus élaboré.e.s que les logiciels de détection de plagiat.

Bien choisir son IA et en faire un bon usage, pourrait en revanche devenir une compétence rare et recherchée.

Parmi la myriade d’IA, déterminer laquelle utiliser pour quel besoins ?

Même si l’on en parle beaucoup de ChatGPT, d’autres IA existent et permettent des avancés incroyables.

Les connaître et savoir les prendre en main à bon escient pour le bon usage, pourrait bien être une nouvelle forme de compétence utile à acquérir. Cela touche l’univers du texte et de la sémantique, mais aussi cela de l’image et de la production artistique. Une IA peut produire une photo d’identité incroyablement réaliste d’une personne qui n’existe pas. Et elles se vendent très bien… Sans doute y a-t-il de nombreux intérêts à se faire passer pour un autre ou une autre. Parfois pour de bonnes raisons, parfois pour des raisons moins louables.

Les technologies d’identification et d’authentification vont donc très probablement avoir de plus en plus d’utilité. Une fois que nous aurons perdu des heures à parler à quelqu’un qui n’existe pas réellement ou qui n’est pas la personne qu’on croit, sans doute, notre niveau d’exigence pour s’assurer que nous connaissons réellement notre interlocuteur et qu’il existe bien en chair et en os, deviendra de plus en plus importante.

En conclusion, même si nous n’en sommes qu’au début de la disruption des IAs, les changements rapides s’imposent à nous, la détection, l’identification et l’évaluation des compétences ne peuvent être réalisés avec un bon vieux questionnaire (toujours le même d’année en année), lorsque tous les apprenants ont un accès facile et gratuit à toutes les réponses.

Le métier d’enseignant et la façon de tester les compétences des apprenants va muter, la façon d’apprendre est en pleine évolution, et la découverte des différentes IA comme moyen de résoudre des problèmes beaucoup plus complexe, va devenir une compétence du futur clé.

Où et comment pouvons-nous acquérir cette compétence du futur ?

Qu’en pensez-vous ?

Pour aller plus loin

Yves Zieba, pour le pole education